La durée de la garantie d’éviction due par le cédant de droits sociaux est limitée en fonction du marché concerné
En 2007, les deux créateurs d’une entreprise spécialisée dans l’édition de logiciels cèdent leurs actions à un tiers, la société Linagora. Ils deviennent ensuite salariés et actionnaires de Linagora. En 2010, ils démissionnent, et l’un d’eux crée une société concurrente. Son ancien associé le rejoint au sein de cette nouvelle société en 2011.
La société Linagora invoque la garantie légale d'éviction due par les cédants de droits sociaux. En effet, en vertu de cette garantie, le cédant s’interdit de se rétablir en concurrençant la société dont il a cédé les droits. Linagora les assigne donc en restitution partielle de la valeur des droits sociaux cédés et en réparation de son préjudice.
La Cour d’appel estime que les cédants ont respecté leurs obligations résultant de la garantie d’éviction, et la Cour de cassation valide son raisonnement. En effet, l'interdiction de concurrence doit être délimitée quant à l'activité concernée et au cadre spatio-temporel de l’interdiction, cette délimitation s'appréciant in concreto.
Or, la Cour d’appel a relevé que :
L’un des cédants avait créé la société concurrente trois ans et cinq mois après la cession, rejoint par l’autre cédant quatre ans et cinq mois après la cession. La mise en ligne de la première version d'un logiciel par la société concurrente était intervenue près de cinq ans après la cession, de même que le recrutement d'anciens salariés de la société cédée.
Le marché concerné, à savoir celui du développement des produits informatiques et des prestations de service afférentes, connaît une innovation technologique rapide, faisant ainsi évoluer les services et prestations offertes d'une année sur l'autre.
De ce fait, l’interdiction de se rétablir pendant plusieurs années, imposée aux cédants d'une société intervenant sur un marché aussi innovant et évolutif, apparaît disproportionnée par rapport à la protection des intérêts du cessionnaire. Celle-ci doit ainsi se conjuguer avec la protection de la liberté d'entreprendre.
Cass. com., 06-11-2024, n° 23-11.008
L’obligation de déclarer la cessation des paiements est suspendue pendant la procédure de conciliation
Le dirigeant d’une société demande à bénéficier d’une procédure de conciliation, ouverte le 7 septembre 2015. Le 3 février 2017, il dépose sa déclaration de cessation des paiements. Une procédure de redressement judiciaire est ouverte le 16 mars 2017, avant d’être convertie en liquidation judiciaire.
Le liquidateur assigne le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d'actif, lui reprochant un retard dans la déclaration de cessation de ses paiements.
La Cour d’appel considère qu’il y a bien un retard fautif. Elle relève que la cessation des paiements a été fixée le 16 septembre 2015, juste après l’ouverture de la conciliation. Mais selon elle, la mise en place d’une procédure de conciliation quelques jours avant la cessation des paiements n’exonère pas le dirigeant des responsabilités qui sont les siennes. De plus, la procédure de conciliation en cours démontre que le dirigeant avait connaissance de la vulnérabilité de l’entreprise, ce qui aggrave sa responsabilité dans le retard de la déclaration.
Toutefois, la Cour de cassation censure cette décision. Elle établit que lorsque le délai de déclaration de cessation des paiements (45 jours) expire au cours de la procédure de conciliation, le débiteur est dispensé d'exécuter son obligation de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. En revanche, à l'expiration de la procédure de conciliation, le débiteur est tenu d'exécuter cette obligation sans délai.
Cass. com., 20-11-2024, n° 23-12.297
À retenir :
Le débiteur est dispensé de son obligation de déclaration de cessation des paiements pendant la durée de la procédure de conciliation. Mais il doit l’exécuter sans délai lorsque cette procédure prend fin.
Jours fériés pendant une période d’activité partielle : comment sont rémunérés les salariés ?
Les salariés d’une société de restauration collective sont placés en activité partielle du fait de la pandémie de covid 19. Durant cette période, plusieurs jours étaient chômés en vertu de la convention collective applicable.
Un syndicat saisit le tribunal, afin que la société maintienne la rémunération habituelle des salariés pendant les jours chômés dans l’entreprise. En effet, l’employeur n’a versé que 70 % de la rémunération antérieure des salariés pendant les jours chômés, par application des règles prévues pour l’activité partielle.
La Cour de cassation rappelle que selon l’article L. 3133-3 du Code du travail, le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire pour les salariés totalisant au moins trois mois d'ancienneté dans l'entreprise.
Afin de respecter ce principe lorsqu'un salarié est placé en activité partielle, il convient de distinguer deux situations :
Pour les jours fériés ouvrés dans l’entreprise : les règles de l’activité partielle s’appliquent. Les salariés touchent une indemnité horaire, correspondant à une part de leur rémunération habituelle, dont le pourcentage est fixé par décret.
Pour les jours fériés normalement chômés dans l’entreprise : les salariés ne peuvent pas être considérés comme en activité partielle. L'employeur doit assurer le paiement du salaire habituel aux salariés totalisant au moins trois mois d'ancienneté dans l'entreprise.
Cass. soc., 06-11-2024, n° 22-21.966
L’employeur qui n’indique pas le logement de fonction sur les bulletins de paie encourt une condamnation pour travail dissimulé
Un salarié bénéficie d’un logement de fonction sur le site de l’entreprise. Après son licenciement, il demande une indemnité pour travail dissimulé, car le logement de fonction est un avantage en nature et il ne figurait pas sur ses bulletins de paie.
La Cour d’appel retient l'intention caractérisée de l'employeur de dissimuler cet avantage, alors qu’il aurait dû être évalué pour être soumis à cotisations sociales. Dès lors, il y a bien travail dissimulé, conformément à l’article L. 8221-5, 3 du Code du travail.
La Cour de cassation lui donne raison. La fourniture d'un logement par l'employeur constitue un avantage en nature, qu'il y a lieu d'inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie qui lui est remis.
Cass. soc., 04-12-2024, n° 23-14.259
L’employeur peut prononcer la mise à pied disciplinaire d’un salarié protégé sans son accord
Un salarié exerçant un mandat de délégué syndical se voit notifier une mise à pied disciplinaire de cinq jours. Il saisit la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de cette mise à pied et la condamnation de la société à lui verser diverses sommes.
La Cour d’appel prononce l’annulation de la sanction. Selon elle, aucune modification du contrat de travail et des conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé, que la modification soit temporaire ou permanente. Or, la sanction envisagée entraînait une modification de la rémunération du salarié sur les deux mois concernés et de la durée du travail sur la même période. L'employeur devait donc informer le salarié de la possibilité de refuser sa mise à pied disciplinaire.
Mais la Cour de cassation rejette cet argument. Elle juge que la mise à pied disciplinaire du salarié protégé n'a pas pour effet de suspendre l'exécution du mandat de représentant du personnel et n'emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail. Par conséquent, cette sanction n'est pas subordonnée à l'accord du salarié.
Cass. soc., 11-12-2024, n° 23-13.332
Le dirigeant condamné au paiement des dettes fiscales de la société ne supporte pas les intérêts de retard
Après la liquidation judiciaire d’une société, ses deux dirigeants sont assignés par le comptable public pour être déclarés solidairement responsables du paiement des dettes fiscales de leur entreprise.
Ils sont alors condamnés à payer non seulement les droits et pénalités dus par la société, mais également les intérêts de retard.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. En effet, l'article L. 267 du livre des procédures fiscales prévoit uniquement que le dirigeant peut être déclaré solidairement responsable du paiement de la somme correspondant aux impositions et pénalités dues par la société. En revanche, il ne prévoit pas sa condamnation au paiement des intérêts au taux légal portant sur cette somme.
Cass. com., 27-11-2024, n° 23-18.572
➥ Rappel : le dispositif Pinel prendra fin au 31 décembre 2024, et il ne sera pas remplacé. Ce système de défiscalisation permettait aux ménages d’acheter un logement en bénéficiant d’une réduction d’impôt à condition de respecter les plafonds de ressources et de loyers.
➥ Le taux de la cotisation AGS est maintenu à 0,25 % au 1ᵉʳ janvier 2025, après avoir été porté de 0,15 % à 0,20 % au 1ᵉʳ janvier 2024, puis à 0,25 % au 1ᵉʳ juillet 2024.
✔ Le Comité Européen pour la protection des données (CEPD) a adopté de nouveaux avis visant à guider le contrôle des activités de traitement de données à caractère personnel par les administrations. Il précise ainsi sa position concernant le recours à des sous-traitants, et sur la notion d’intérêt légitime. De plus, le CEPD a présenté son programme de travail pour 2024-2025.
✔ Le 14 novembre 2024, le Sénat a adopté la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus. Elle prévoit l'interdiction de démarcher téléphoniquement un consommateur qui n’a pas exprimé préalablement son consentement. Ce texte a ensuite été transmis à l’Assemblée nationale.
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