
TUP : la clause d’agrément n’empêche pas le transfert automatique du contrat conclu sans intuitu personæ
Une entreprise signe un contrat de prestation de services, qui contient une clause d’agrément : le prestataire ne peut transférer, céder ou sous-traiter à un tiers tout ou partie des prestations, ainsi que des droits et obligations y afférents, sans l’accord préalable et écrit du client.
Cinq ans plus tard, le client résilie le contrat pour manquement. Mais une société tierce avance que le contrat lui a été transféré à la suite d’une transmission universelle de patrimoine (TUP), et conteste la résiliation.
Le client estime que la convention avait été conclue intuitu personæ. Puisqu’il n’a pas donné son consentement à la cession, le contrat n’a pas pu être transféré lors de la TUP. En effet, les contrats conclus intuitu personæ, c’est-à-dire en considération de la personne du co-contractant, ne sont pas automatiquement transmis à la suite d’une TUP.
Mais la Cour de cassation juge que le contrat n’avait pas été signé intuitu personæ, puisque le prestataire ne disposait pas d’un savoir-faire spécifique et que son dirigeant était le même que celui de la société cessionnaire.
Ainsi, la Cour confirme qu’un contrat conclu sans intuitu personæ est transmis automatiquement lors d’une TUP, même si une clause d’agrément y est prévue.
Cass. com., 18-12-2024, n° 23-14.170

Vague de suicides chez France Télécom : les dirigeants et la société définitivement condamnés pour harcèlement moral institutionnel
En 2006, France Télécom (devenue Orange) annonce un plan de réorganisation visant à supprimer 22 000 postes en 3 ans, sur un effectif total de 120 000 personnes.
La mise en œuvre de ce plan donne lieu à des méthodes de déstabilisation des salariés : incitations répétées au départ, mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées, surcharge de travail, etc.
En 2009, un syndicat porte plainte pour harcèlement moral au travail, contre France Télécom et plusieurs de ses dirigeants, dont le PDG, son numéro 2 et le DRH de l’époque. 39 victimes sont concernées : 19 suicides, 12 tentatives, et 8 dépressions graves.
Les dirigeants peuvent-ils être condamnés pour harcèlement moral au travail pour avoir déployé une politique d’entreprise de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail des salariés ? Autrement dit : une politique globale d’entreprise, qui n’est pas dirigée à l’encontre d’un salarié déterminé, peut-elle caractériser l’infraction pénale de harcèlement moral au travail ?
La Cour de cassation juge que le harcèlement moral institutionnel peut être sanctionné pénalement en tant que harcèlement moral au travail.
L’employeur est sanctionné lorsqu'il déploie, en connaissance de cause, une politique d'entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d'atteindre tout autre objectif, qu'il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ces salariés, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.
Cass. crim., 21-01-2025, n° 22-87.145
À retenir :
1/ Le harcèlement moral institutionnel résulte d’une politique d’entreprise conduisant, en toute connaissance de cause, à la dégradation des conditions de travail des salariés.
2/ Il faut que cette dégradation soit susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés, d'altérer leur santé physique ou mentale, ou de compromettre leur avenir professionnel.
3/ La responsabilité des dirigeants peut être engagée même en l'absence de relations individuelles avec les salariés.


Revirement de jurisprudence : extension de la couverture de l’AGS
L'AGS (Assurance Garantie des Salaires) garantit le paiement des créances salariales dues par les employeurs soumis à une procédure collective. Elle couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail, si celle-ci intervient pendant les périodes visées par l’article L. 3253-8, 2° du Code du travail :
durant la période d’observation ;
dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
dans les 15 ou 21 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ou la fin de l’activité autorisée par ce jugement.
Jusqu’à présent, cette garantie était limitée aux ruptures initiées par l’administrateur judiciaire, le liquidateur ou l’employeur. Mais afin de s’aligner avec la jurisprudence de la CJUE, la Cour de cassation opère un revirement. Elle juge désormais que l'AGS couvre également les créances impayées résultant :
de la prise d’acte par le salarié de la rupture du contrat, en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat,
de la résiliation judiciaire du contrat, obtenue par le salarié en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat.
Dans les deux cas, la rupture doit toujours intervenir pendant l’une des périodes visées à l’article L. 3253-8, 2° du Code du travail.
Cass. soc., 08-01-2025, n° 20-18.484 et n° 23-11.417

Prestataire informatique condamné après la cyberattaque de son client : prenez garde à votre obligation de conseil !
Une société de fabrication et vente de portails est victime d'une cyberattaque. Il est établi que des sauvegardes externalisées auraient pu permettre d’éviter l’intrusion, ou au moins de faciliter le retour à la normale.
La victime intente une action contre son prestataire informatique, chargé du renouvellement de son infrastructure IT. Elle estime que celui-ci n’a pas respecté son obligation d’information et de conseil.
Pour exclure sa responsabilité, le prestataire avance les éléments suivants :
Les sauvegardes ne faisaient pas partie des prestations contractuelles, le client en était donc responsable.
Le client disposait d’un service informatique, ce qui décharge le prestataire de ses obligations d’information et de conseil en matière de sécurité.
Mais la Cour d’appel retient que le client n’est pas un professionnel de l’informatique, et que son service informatique restreint (3 personnes) ne peut pas avoir les mêmes compétences qu’un spécialiste en cybersécurité.
C’était donc au prestataire d’informer le client sur la nécessité d’adapter son système de sauvegarde. Il est condamné à une indemnisation partielle, évaluée au vu de la perte de chance du client d’éviter la cyberattaque.
Les enseignements pour les prestataires informatiques : même si votre contrat prévoit que c’est au client d’effectuer les sauvegardes, vous devez l’alerter sur les différentes options et les risques afférents.
En tant que professionnel, il vous revient d’informer votre client sur les mesures de sécurité à mettre en œuvre. Et même s’il n’applique pas vos conseils, pensez à en conserver la trace écrite !
CA Rennes, 19-11-2024, n° 23/04627
Agent commercial : si le contrat se poursuit, il n’y a pas de faute grave
Un agent commercial assigne son mandant en résiliation judiciaire de leur contrat, invoquant plusieurs manquements. Il demande le paiement des commissions dues, d’une indemnité de cessation de contrat et d’une indemnité compensatrice de préavis.
Le mandant sollicite reconventionnellement la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts de l’agent, pour manquements constitutifs d'une faute grave.
La Cour d’appel considère que l’agent a bien commis une faute grave : il a manqué à son obligation d'exécuter son mandat avec toute la diligence professionnelle requise, en ne disposant pas des moyens nécessaires afin d'assurer son indépendance financière, affectant l'essence même du contrat d'agent commercial.
La Cour de cassation casse l’arrêt. En effet, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du lien contractuel. Or, les juges du fond ont fixé la date de la faute grave au 18 avril 2018, alors que l’employeur a exprimé, par lettre du 19 janvier 2019, sa volonté de maintenir le contrat. Dès lors, la faute reprochée à l’agent commercial ne présentait pas les caractères de la faute grave. De plus, l’activité s’est poursuivie de façon résiduelle jusqu'au mois d'août 2021.
Cass. com., 04-12-2024, n° 23-16.962

➥ Consultez le calendrier des Déclarations Sociales Nominatives (DSN) mensuelles pour 2025, publié par le portail Net-entreprises.
➥ Le dispositif permettant l’utilisation des titres-restaurant pour tous les produits alimentaires, instauré en 2022, est prolongé jusqu'au 31 décembre 2026.

✔ L'Autorité de la concurrence réforme sa procédure de traitement du secret des affaires dans le cadre de l’instruction des dossiers. Cette réforme vise à réduire les délais de traitement du secret des affaires à travers :
L’application rigoureuse par les parties de la notion de secret des affaires : les entreprises devront justifier la nature des données, leur caractère public ou non, leur valeur économique, et les mesures de protection mises en place.
La réduction du nombre de décisions de traitement du secret des affaires, en adoptant par principe une seule décision par partie concernée.
✔ La CNIL a publié son plan stratégique 2025-2028. Il s'articule autour de 4 axes : intelligence artificielle, droits des mineurs, cybersécurité et usages du quotidien numérique.
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