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Actualités juridiques du 17 mars 2025

  • francoistouchard
  • 17 mars
  • 8 min de lecture


Rubrique Droit des sociétés




Remboursement du compte-courant d'associé après un rachat de parts sociales


Les deux associés d’une SELARL décident d’une réduction de capital par voie de rachat et annulation de la totalité des parts sociales de l’un des associés.


Cet associé cédant sollicite ensuite le paiement par la société du prix des parts et du solde créditeur de son compte courant. Sa demande restant sans effet, il assigne la société et son associé pour annulation de la réduction de capital et paiement desdites sommes.


En effet, le cédant estime que le rachat des parts sociales d’un associé par la société, qui provoque l’annulation de ses parts, fait naître à la charge de la société l’obligation de rembourser le compte courant de l’associé. De ce fait, le non-remboursement de son compte courant entraîne la résolution de la délibération ayant prononcé le rachat et l’annulation de ses parts sociales.


Mais la Cour de cassation rejette ce raisonnement. En l’absence de stipulation contraire, l'obligation de la société de payer le prix des parts faisant l'objet d'un rachat est indépendante de celle de rembourser le compte-courant de l'associé dont les parts sont rachetées.


Or, lors des AG ayant décidé l’opération de réduction de capital, la seule condition du « rachat/annulation » des parts sociales était le paiement du prix des parts, sans autres précisions ni sur les modalités de règlement de cette somme, ni sur le remboursement du compte courant du cédant.


Conclusion : même si le cédant est en droit de demander le remboursement de son compte courant à tout moment, il ne peut pas se prévaloir du défaut de remboursement pour demander la résolution de la convention de rachat de ses parts.


Cass. com., 12 -02-2025, n° 23-17.483



Rubrique Focus Droit des sociétés





Renonciation tacite de l’époux à la qualité d’associé : précisions de la Cour de cassation sur la délicate preuve de la volonté non équivoque


Le contexte : suite et fin d’une affaire très commentée


La Cour de cassation apporte ici des précisions à une décision de 2022 (Cass. com., 21-09-2022, n° 19-26.203), qui avait donné lieu à un renvoi devant la Cour d’appel, puis à un nouveau pourvoi.


La Cour avait admis que la renonciation du conjoint commun en biens à son droit de revendiquer la qualité d'associé (article 1832-2 du Code civil) peut être tacite. Elle avait toutefois établi la nécessité que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer.


Il revenait donc à la Cour d’appel de vérifier l’existence de cette renonciation tacite.


Rappel des faits


Une épouse mariée sous le régime de la communauté des biens crée une SARL au cours du mariage. Des années plus tard, son conjoint notifie à la société son intention de se prévaloir de sa qualité d’associé à hauteur de la moitié des parts sociales.


Il assigne alors son épouse et la SARL aux fins de voir constater sa qualité d’associé et d’obtenir la communication de certains documents sociaux.


La caractérisation de la renonciation tacite


Selon la SARL, la volonté non équivoque de renoncer est démontrée par le choix des époux de constituer chacun leur propre société, de manière concomitante et indépendante, sans que l'autre en soit associé.


Mais la Cour d’appel relève que l’époux avait eu une participation active au sein de la SARL, qu'il s'était vu confier plusieurs mandats afin de représenter celle-ci en justice et avait commandé pour son compte diverses fournitures, accomplissant ainsi des actes de gestion.


Elle conclut que celui-ci n'avait pas renoncé, de façon non équivoque, à la qualité d'associé.


La Cour de cassation juge qu'il n’est pas prouvé que l’époux a eu un comportement incompatible avec le maintien de son droit à la qualité d’associé.


Le fait d'avoir constitué deux sociétés distinctes dont chaque époux était associé à concurrence de 50 %, sans que l'autre ait de participation, et la gouvernance de ces sociétés, sont insuffisants à démontrer une renonciation sans équivoque à la qualité d'associé de chacun des époux au sein de la société constituée par son conjoint.


La Cour appuie sa décision sur l'absence de toute clause d'agrément prévue aux statuts de la SARL, susceptible de faire obstacle à la revendication de la qualité d'associé, et d'accord familial démontré quant à la création de structures indépendantes, excluant l'intervention de l'époux non associé.


Cass. com., 12-03-2025, n° 23-22.372


À retenir : 

1/ Le conjoint marié sous le régime de la communauté peut renoncer tacitement à son droit de revendiquer la qualité d'associé (article 1832-2 du Code civil).

2/ Toutefois, cette renonciation doit résulter d’une volonté non équivoque. Le juge doit donc vérifier si l’époux a eu un comportement incompatible avec le maintien de son droit à la qualité d’associé.

3/ Le fait que les époux aient concomitamment créé deux sociétés distinctes, sans que l’autre ait de participation, est insuffisant à démontrer une renonciation non équivoque.



Le mécanisme de l'article 1832-2 du Code civil


Rubrique Droit social




Entreprises de plus de 50 salariés : toute introduction d’outils d’IA doit être précédée d’une consultation du CSE


La direction d’une entreprise présente un projet de déploiement de nouvelles applications informatiques incluant de l’IA. Le CSE demande à plusieurs reprises à être consulté sur l’introduction de ces outils. Il assigne l’entreprise en référé en injonction à ouvrir la consultation et suspension des applications.


L’employeur engage finalement la consultation, mais le CSE demande des documents complémentaires. De plus, ce dernier soutient que les outils d’IA ont été mis en œuvre sans attendre son avis, ce qui constitue un trouble manifestement illicite et une entrave à ses prérogatives.


Les arguments de l’entreprise


L’employeur soutient notamment que la consultation du CSE n’était pas nécessaire, car les outils n’étaient pas encore mis en œuvre, mais seulement en cours d’expérimentation.


Que dit la loi ?


L’article L. 2312-8 du Code du travail impose la consultation du CSE « en cas d’introduction de nouvelles technologies et de tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ».


Le tribunal : suspension du déploiement des outils et sanction de l’employeur.


Le juge des référés condamne l’entreprise :

  • La mise en œuvre des outils est suspendue jusqu’à la clôture de la consultation du CSE, avec 1 000 € d’astreinte par infraction.

  • L’employeur doit verser 5 000 euros au CSE au titre de l'indemnisation de son préjudice, pour avoir porté atteinte à ses prérogatives.


Simple expérimentation ou première mise en œuvre ?


Le seul fait que le déploiement des outils soit « en phase pilote » ne permet pas d’écarter l’obligation de consulter le CSE :


  • Le juge note que cette période dure depuis plusieurs mois, et qu’elle implique l’utilisation des applications par l’ensemble des salariés concernés.

  • Cette phase ne peut donc pas être considérée comme une simple expérimentation nécessaire à la présentation d’un projet suffisamment abouti, mais constitue une première mise en œuvre des outils.


TJ Nanterre, 14-02-2025, n° 24/01457



Rubrique Bon à savoir




Annulation d’un événement pour force majeure : une clause écartant tout remboursement crée-t-elle un déséquilibre significatif entre les parties ?


Une société réserve un espace d’exposition dans une foire dédiée à l’art, et verse un acompte de 53 600,63 euros.


Les conditions générales contiennent une définition conventionnelle de la force majeure, et excluent tout remboursement :


« Dans le cas où, pour des raisons majeures, imprévisibles ou économiques (telles que incendie, inondations, destructions, accidents, cas fortuit, grève à l'échelon local ou national, émeute, risque d'insécurité, tempête, menace terroriste, retrait d'autorisation…), la foire ne peut avoir lieu, les participations des exposants ne seront pas remboursées. »


L’organisateur de la foire annule l’événement du fait de l’interdiction des rassemblements pendant l’épidémie de covid-19. Un exposant assigne l’organisateur pour obtenir le remboursement de son acompte.


En effet, il constate que la clause déroge aux dispositions protectrices de l'article 1218 du Code civil, dont l'application aurait eu pour conséquence la résolution du contrat, et donc le remboursement de ses frais de participation à la foire.


Il estime que la clause faisait ainsi peser sur lui la totalité des risques en cas d'annulation de l'événement, et que le contrat créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce).


La Cour de cassation juge qu’il n’y a pas de déséquilibre significatif.


L'appréciation du déséquilibre significatif passe par une analyse concrète de l'économie générale du contrat. Un tel déséquilibre ne peut se déduire du seul fait que la clause litigieuse place le demandeur dans une situation moins favorable que celle résultant de l'application de dispositions législatives ou réglementaires supplétives de la volonté des cocontractants.


Cass. com., 26-02-2025, n° 23-20.225



L'indemnité de licenciement se calcule sur la base des salaires perçus avant le temps partiel thérapeutique


Une salariée exerce un emploi à temps plein pendant plusieurs années, puis passe à temps partiel en mars 2017, pour motif thérapeutique.


En avril 2018, elle est placée en arrêt-maladie. Elle est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 30 avril 2020. Son indemnité de licenciement est calculée sur la base de son salaire réduit par le temps partiel.


La salariée demande alors le versement d'un reliquat de l'indemnité de licenciement.


La question :


Faut-il calculer l’indemnité de licenciement sur la base du salaire réduit par le temps partiel thérapeutique OU sur la base des salaires qui auraient été perçus à temps plein ?


La Cour d’appel déboute la salariée.


L'arrêt retient qu'un salarié à temps partiel pour motif thérapeutique ne peut pas prétendre, sauf sur le fondement de dispositions conventionnelles, à ce que le montant de l'indemnité de licenciement soit calculé sur la base des salaires qui auraient été perçus à temps plein.


Toutefois, la Cour de cassation casse l’arrêt.


Lorsque le salarié se trouve en arrêt-maladie à la date de son licenciement, cet arrêt faisant suite à une période de temps partiel thérapeutique, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique.


Pourquoi cette décision ?


Non-discrimination : aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, en raison de son état de santé (art. L. 1132-1 du Code du travail).


En pratique :

Vérifiez l’assiette de calcul de vos indemnités de licenciement. Vous devez vous baser sur le salaire normal du salarié, avant la période de temps partiel thérapeutique.


Cass. soc., 05-03-2025, n° 23-20172



Rubrique Flash infos





Réforme du régime des nullités en droit des sociétés


L’Ordonnance du 12 mars 2025 a pour objectif de simplifier, clarifier et renforcer la sécurité juridique du régime des nullités en droit des sociétés. La réforme entre en vigueur le 1ᵉʳ octobre 2025.


Voici ses principales mesures :


  • Les règles de portée générale sur la nullité des sociétés et des décisions sociales ne figureront plus dans le Code de commerce, mais dans le Code civil.


  • La nullité des décisions sociales ne pourra résulter que de la violation d'une « disposition impérative de droit des sociétés », sans que ces règles impératives soient précisées.


  • L’exigence d’une disposition expresse de nullité pour les décisions sociales modifiant les statuts est supprimée.


  • Les statuts des SAS pourront prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu'ils ont établies.


  • Le juge ne pourra annuler une décision sociale que si trois critères sont remplis (« triple test ») : grief résultant de l’atteinte à l'intérêt protégé par la règle non respectée, influence de l’irrégularité sur la décision, et proportionnalité des conséquences de la nullité.


  • La prescription de l’action en nullité passe de 3 ans à 2 ans.



Rubrique Lectures juridiques





✔ Le 27 février, la Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (DARES) a publié une étude sur les instances de représentation du personnel en 2023. Elle constate notamment que leur présence continue à baisser (même si la diminution est moins forte sur cette année). Le rapport précise que le contexte est au renouvellement des CSE, puisque près de la moitié des entreprises ont connu une élection professionnelle CSE en 2023.


✔ La CNIL a mis à jour ses Tables Informatique et Libertés. Ce document permet d’accéder aux prises de position doctrinales de la CNIL et de juridictions nationales et européennes : Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice de l’Union européenne, Conseil d’État et Cour de cassation.

 
 
 

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