Cession de parts : la réticence dolosive du cédant rend excusable l’erreur de l’acheteur
Un associé cède la totalité des parts composant le capital d’une SARL. Le cessionnaire sollicite ensuite la nullité de la vente pour réticence dolosive. La Cour d’appel rejette cette demande : l’acheteur ayant été gérant de société, il avait une expérience dans ce domaine. De ce fait, il aurait dû vérifier lui-même la situation financière de la SARL.
Le cessionnaire avait donc une obligation renforcée de se renseigner sur la situation de la société qu'il acquérait. Celui-ci n’ayant effectué aucune démarche en ce sens, la Cour estime que le silence du cédant sur l'existence de dettes et de contrats en cours ne constitue pas une dissimulation volontaire de la situation financière de la société pouvant caractériser un dol.
Mais la Cour de cassation censure cet arrêt. Elle rappelle qu’il y a réticence dolosive lorsqu’une partie dissimule intentionnellement une information déterminante pour le consentement de l’autre. L’erreur provoquée par ce dol est alors toujours excusable.
Dès lors, même si le cessionnaire aurait dû se renseigner sur la situation financière de la société, cela ne permet pas d’exclure l'existence d'une réticence dolosive.
Cass. com., 18-09-2024, n° 23-10.183
Événements affectant le compte courant et effets sur la caution
Dans deux arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation apporte des précisions sur différents événements pouvant affecter une convention de compte courant, et leurs conséquences pour la caution.
1/ Effets de l’annulation du compte courant
Un compte courant est ouvert par une personne physique au nom d’une société, qui bénéficie ensuite d’un prêt et d’une autorisation de découvert de la banque. Ces opérations sont garanties par plusieurs cautions. Lorsque la société est placée en liquidation judiciaire, la banque assigne les cautions en paiement de leurs engagements.
La Cour d’appel condamne l’une des cautions à restituer les fonds alloués, sans déduction des frais et intérêts bancaires payés par la société. En outre, elle prononce la nullité de la convention d’ouverture de compte courant conclue par la société en formation.
Or, la Cour de cassation rappelle que selon l’article 1379 du Code civil (dans sa rédaction applicable à cette date), l’annulation d’une convention d’ouverture de compte courant entraîne la restitution des sommes correspondant au solde du compte. Toutefois, les frais et intérêts conventionnels sont exclus de cette règle de principe, de sorte qu’ils doivent être déduits du montant à rembourser.
Cass. com. 11-09-2024, n° 23-11.534
2/ Effets de la liquidation judiciaire sur le compte courant
Après la mise en liquidation judiciaire d’une société détenant un compte courant, la banque déclare sa créance et assigne la caution en paiement.
En principe, selon l’article L. 641-11-1, I, alinéa 1ᵉʳ du Code de commerce, aucune résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire.
Toutefois, la Cour de cassation avait déjà jugé que le compte courant d’une société était clôturé par l’effet de sa liquidation judiciaire, et que donc le solde de ce compte était immédiatement exigible de la caution (Cass. com., 13 déc. 2016, n° 14-16037). Comme l’arrêt le souligne, cette position avait été critiquée par la doctrine et n’avait pas été reprise par la jurisprudence ultérieure.
La Cour de cassation rétablit ici une position conforme à loi : le compte courant étant un contrat en cours, sa résiliation ne pouvait résulter de l’ouverture de la liquidation judiciaire. Par conséquent, la clôture du compte n’étant pas intervenue, le solde n’est pas devenu exigible, et la caution n’est pas tenue de payer la banque.
Cass. com., 11-09-2024, n° 23-12.695
À retenir :
1/ L’annulation de la convention de compte entraîne la restitution des sommes correspondant au solde du compte courant, auquel sont déduits les frais et intérêts conventionnels payés.
2/ L’ouverture d’une liquidation judiciaire ne provoque pas la résiliation du compte courant. Celle-ci ne rend donc pas le solde exigible.
Accident de travail chez un client : la convention de services peut-elle faire porter la responsabilité de l’indemnisation sur l’employeur seul ?
Dans le cadre d’une prestation de services, des salariés avaient été chargés de la surveillance d’une usine de la société Airbus opérations. Alors qu’ils effectuaient une ronde dans les locaux, ils sont victimes de symptômes nécessitant leur évacuation à l’hôpital. L’enquête révélera l’inhalation d’une substance toxique.
Les salariés assignent Airbus opérations afin qu’elle les indemnise de leurs préjudices. La société appelle leur employeur en garantie. La Cour d'appel retient la responsabilité du propriétaire de l’usine, au vu de la concomitance entre les symptômes et la présence du nuage toxique. Mais elle condamne l’employeur à garantir la société des condamnations mises à sa charge.
Pourtant, les articles L. 451-1 et L. 452-5 du Code de la sécurité sociale prévoient que sauf si la faute de l’employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l’entreprise, qui a indemnisé la victime d’un accident du travail, n’a pas de recours contre l’employeur de celle-ci.
La Cour d’appel s’appuie sur une convention conclue entre la société et l’employeur, qui fait porter la charge de l’indemnisation sur l’employeur seul. En effet, ce contrat indique que l’employeur est totalement responsable des agissements de son personnel dans le cadre des missions qui lui sont confiées. Sauf faute lourde du client, l’employeur le garantit de toute action, notamment de ses propres salariés. La clause précise que les dispositions de l’article L. 452-5 du Code de la sécurité sociale n’ont pas un caractère d’ordre public, et qu’il est donc possible d’y déroger par une convention.
Mais la Cour de cassation relève que la convention était contraire aux articles L. 451-1 et L. 452-5 du Code de la sécurité sociale, et que l’employeur n’avait pas commis de faute intentionnelle. Dès lors, en application de l’article L. 482-4 du même code, cette convention de décharge de responsabilité était nulle de plein droit.
Cass. 2ᵉ civ., 5 sept. 2024, n° 21-23442
La souffrance au travail résultant d’un manquement à l’obligation de sécurité ne justifie pas l’impossibilité de réintégrer un salarié
Une salariée exerçant en tant qu’agent administratif est licenciée. Elle demande notamment la nullité du licenciement, le paiement de diverses indemnités et sa réintégration. L'employeur justifie l'impossibilité de la réintégrer en raison du contexte de souffrance au travail invoqué par la salariée.
La nullité du licenciement est prononcée et la salariée obtient une indemnisation pour harcèlement moral, mais la Cour d’appel refuse sa réintégration. Elle juge que les risques de souffrance au travail demeurent si elle se retrouve en présence de publics, ce qui justifie l'impossibilité matérielle de la réintégrer.
Mais selon la Cour de cassation, une situation de souffrance au travail ne permet pas à l’employeur de justifier de l’impossibilité de réintégration. En revanche, comme la Cour d’appel l’avait retenu, cette situation démontre un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, en raison d'une situation de harcèlement moral.
Cass. soc., 4 sept. 2024, n° 23-13.583
La résidence principale reste insaisissable après la cessation d’activité
Un artisan cesse son activité le 5 décembre 2017, date à laquelle il a été radié du répertoire des métiers. L’année suivante, il est placé en redressement puis liquidation judiciaires.
Le liquidateur demande la mise aux enchères de l’immeuble constituant la résidence principale de l'ancien artisan. La Cour d’appel estime que cette vente est autorisée : l’artisan ayant été radié du répertoire des métiers, il ne bénéficie plus de l’insaisissabilité de sa résidence principale. Elle se base sur la rédaction de l’article L. 526-1 du Code de commerce (dans sa version applicable ici), qui vise uniquement une « personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ».
La Cour de cassation censure cet arrêt. Elle rappelle que selon cet article, l'insaisissabilité de la résidence principale de la personne immatriculée n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité de cette personne. De ce fait, les effets de l’insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints. La cessation de l’activité professionnelle de la personne précédemment immatriculée ne met donc pas fin, par elle-même, aux effets de l’insaisissabilité.
Cass. com., 11-09-2024, n° 22-13.482
➥ L’Urssaf et le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) annoncent des mesures d’urgence pour accompagner les usagers dont l’activité a été affectée par les récentes intempéries en régions en région Aquitaine, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et Alpes-Maritimes. Les employeurs et les travailleurs indépendants concernés peuvent notamment solliciter un report de leurs échéances.
➥ La mise en œuvre de la réforme de la facturation électronique avance ! Pour mémoire, celle-ci va devenir progressivement obligatoire à compte de 2026. Les entreprises pourront recourir soit au Portail Public de Facturation (PPF) soit à une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP). La liste des premières PDP immatriculées, sous réserve de leur raccordement ultérieur au Portail Public de Facturation, a été publiée le 16 septembre 2024 par le DGFIP. Onze candidatures sont encore en cours de traitement.
✔ La liste du vocabulaire relatif à l’intelligence artificielle a été publiée au Journal Officiel le 6 septembre 2024. En plus des définitions des principaux termes utiles, vous trouverez les traductions français/anglais et anglais/français des mots et expressions à connaître.
✔ La CNIL a communiqué ses recommandations pour aider les professionnels à concevoir des applications mobiles respectueuses de la vie privée. Ces conseils ont été élaborés en concertation avec les acteurs de l’écosystème, lors d’une consultation publique. La CNIL s’assurera dès 2025 que ses préconisations sont bien prises en compte, par une campagne spécifique de contrôles.
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