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Actualités juridiques du 17 février 2025


Rubrique Droit des sociétés




Seule l'assemblée générale annuelle d'approbation des comptes peut décider la distribution du report à nouveau


Le 30 avril 2017, l’AG d’une SAS approuve les comptes de l'exercice précédent et décide d'affecter les bénéfices au compte « report à nouveau ».


Le 3 juillet 2017, l'AG vote la distribution de dividendes prélevés sur le report à nouveau décidé le 30 avril 2017.


Deux ex-associés, ayant cédé la totalité de leurs actions après l'AG du 3 juillet 2017, assignent la SAS en paiement des dividendes dont la distribution a été décidée par cette AG.


La Cour de cassation rappelle les textes applicables :


  • Article L. 232-11 alinéa 1ᵉʳ du Code de commerce : le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire.


  • Article L. 232-12 alinéa 1ᵉʳ du Code de commerce : après approbation des comptes annuels et constatation de l'existence de sommes distribuables, l'assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.


Elle juge qu’il résulte de la combinaison de ces textes, qui sont impératifs, que le report bénéficiaire d'un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l'exercice suivant et que donc, seule l'assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution.


Par conséquent, la délibération d'une AG autre que celle approuvant les comptes de l'exercice, décidant la distribution d'un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d'un exercice précédent, encourt la nullité.


À noter : cet arrêt contredit une décision rendue très récemment par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 30-01-2025, n° 22/17478). Celle-ci avait admis la possibilité de distribuer des sommes prélevées sur les réserves ou sur le poste report à nouveau, en dehors de l’AG annuelle d'approbation des comptes. En revanche, l’arrêt de la Cour de cassation ne semble pas remettre en cause le principe d’une distribution prélevée sur les réserves libres.


Cass. com., 12-02-2025, n° 23-11.410



Rubrique Focus Droit des contrats




Rupture brutale d’une relation commerciale : à quel moment faut-il se placer pour évaluer la durée du préavis ?


En 1999, Tél and Com devient distributeur de Bouygues Telecom. Plusieurs contrats de distribution successifs sont conclus : des conditions générales de distribution (CGD) à compter de 2002, puis des conditions particulières de distribution (CPD) en 2011.


Par courrier du 27 novembre 2012, Bouygues Telecom informe Tél and Com de sa décision de ne pas reconduire à l'identique les CPD au-delà du 31 décembre 2013.


Par lettre du 3 avril 2013, elle lui signifie l'absence de renouvellement des CGD à l'échéance du 31 décembre 2013, mettant ainsi fin à la totalité des relations commerciales.


Tél and Com reproche une rupture brutale de la relation commerciale établie à Bouygues Telecom.


La Cour d’appel :


La Cour estime qu’un préavis de 24 mois était nécessaire. Pour déterminer cette durée, elle se base sur :


  • la durée de la relation, qui a cessé au 31 décembre 2013.

  • les circonstances particulières de la relation, en particulier l’état de dépendance économique de Tél and Com.


La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt :


Le préavis s’apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture.


Or, la Cour d’appel a calculé la durée du préavis au vu de la date de fin effective de la relation (décembre 2013), et non de la date de la notification de la rupture (novembre 2012).


Cass. com, 29-01-2025, n° 23-16.526


À retenir : 

Pour calculer la durée de la relation commerciale, permettant de déterminer la durée du préavis, il ne faut pas se placer à la date de fin effective de la relation. La date à prendre en compte est celle de la notification de la rupture.


Comment calculer la durée du préavis pour rompre une relation commerciale

Rubrique Droit social




Croisière organisée par l’employeur : la salariée qui enfreint les règles de sécurité ne peut pas être licenciée pour faute


Un employeur organise une croisière pour récompenser les salariés lauréats d’un concours interne à l’entreprise. Le commandant de bord ordonne le débarquement d’une salariée, pour avoir fumé le narguilé dans sa cabine, en présence d'une collègue enceinte, et avoir obstrué le détecteur de fumée.


L’entreprise doit alors rapatrier la salariée, qui est ensuite licenciée pour faute, au motif du non-respect des règles de sécurité à bord du bateau.


La salariée conteste ce licenciement, car les faits reprochés sont intervenus hors du temps de travail et du lieu de travail.


La Cour de cassation estime que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse :


1/ Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.


Ici, les agissements ont été commis lors d’un voyage touristique, hors du temps de travail. La salariée ne se trouvait soumise à aucun lien de subordination et n'était pas tenue par les règles en vigueur au sein de l'entreprise, puisque les faits s'étaient déroulés en dehors du lieu de travail.


Donc, les faits reprochés à la salariée relevaient de sa vie personnelle et ne pouvaient pas constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail.


2/ Un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise résultant d'un fait tiré de la vie personnelle d'un salarié ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire.


La Cour d'appel ayant constaté que les faits relevaient de la vie privée de la salariée, elle n’était pas tenue de rechercher s’ils avaient causé un trouble dans le fonctionnement de l’entreprise.


À noter : les employeurs doivent être prudents lorsqu’ils veulent sanctionner un comportement survenu hors du cadre professionnel. Les faits relevant de la vie privée du salarié ne peuvent être pris en compte que dans un cadre strict.


Cass. soc., 20-01-2025, n° 23-10.888



Rubrique Bon à savoir




L’employeur peut-il licencier un salarié qui refuse une modification de son contrat de travail imposée du fait d’une réorganisation ?


Le poste d’un salarié est supprimé en raison de l’externalisation des activités de son service, et il refuse les autres postes proposés par son employeur. Il est alors licencié pour cause réelle et sérieuse.


Le salarié conteste le bien-fondé de la rupture.


La Cour d’appel donne raison à l’employeur : les juges estiment que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. L’arrêt retient que la société justifie de difficultés économiques et financières, dont il résulte que la viabilité de l'entreprise nécessitait une externalisation de certaines fonctions, notamment celle occupée par le salarié.


Mais la Cour de cassation casse l’arrêt. Elle rappelle que :


  • Le seul refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.


  • La rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.


L’employeur ne pouvait donc licencier le salarié que pour un motif économique. Or, le seul motif de licenciement invoqué est le refus par le salarié des postes proposés, car il « caractérisait une situation intolérable et inacceptable ».


Il n’était pas allégué que la réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.


Dès lors, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.


Cass. soc., 22-01-2025, n° 22-23.468



Secret des affaires ne signifie pas immunité !


Les sociétés ABC Food et Speed Rabbit Pizza intentent une action en concurrence déloyale contre Domino’s Pizza France et son franchisé French Pizza. Elles leur reprochent de fausser la concurrence, Domino’s accordant au franchisé des prêts dissimulés sous forme d’apports en compte courant et des délais de paiement excessifs.


Mais Domino’s Pizza avance que les demandeurs se sont basés sur un document interne confidentiel, contenant des informations stratégiques sur son réseau de franchise. Il demande des dommages et intérêts pour violation du secret des affaires.


Or, lors d’une instance en justice, le secret des affaires n’est pas opposable si la divulgation des informations est nécessaire à la protection d’un intérêt légitime (article L. 151-8 3° du Code de commerce). Toutefois, la production des informations doit être indispensable à la preuve des faits, et l’atteinte au secret doit être strictement proportionnée au but poursuivi (article 6 de la CEDH).


Les juges du fond condamnent ABC Food et Speed Rabbit Pizza à des dommages et intérêts pour avoir utilisé un document couvert par le secret des affaires.


Cette décision est censurée par la Cour de cassation. Elle considère que la Cour d’appel aurait dû rechercher :


  • si la production d’une pièce protégée par le secret des affaires n’était pas indispensable pour prouver les faits allégués de concurrence déloyale ;


  • si l’atteinte portée au secret des affaires de la société Domino’s Pizza n’était pas strictement proportionnée à l’objectif poursuivi.


La Cour d’appel va donc devoir juger si la communication de ce document secret était indispensable et proportionnée.


À noter : la protection par le secret des affaires a des limites. Elle ne peut pas servir à bloquer la preuve d’un droit ou d’une faute en justice.


L’équilibre entre droit au secret et droit à la preuve est apprécié au cas par cas.


Cass. com., 05-02-2025, n° 23-10.953



Rubrique Flash infos





➥ La plateforme européenne de règlement en ligne des litiges sera supprimée à compter du 20 juillet 2025, à la suite de l’adoption du Règlement UE 2024/3228. De nouvelles plaintes pourront y être déposées jusqu’au 20 mars 2025. De plus, la plateforme pourra être utilisée jusqu’au 19 juillet 2025 pour les plaintes déposées au plus tard le 20 mars 2025.


Les actions à entreprendre :

  • Si vous avez utilisé la plateforme, pensez à exporter vos données avant le 19 juillet.

  • Si vos CGV BtoC mentionnent la plateforme, pensez à les modifier.


➥ L'exonération fiscale et sociale de la prise en charge par l'employeur des frais de transports publics de ses salariés jusqu'à 75 % avait pris fin au 31 décembre 2024. Mais la loi de finances 2025 prolonge cette mesure pour cette année.


L'obligation minimale de prise en charge par l'employeur reste fixée à 50 % : le fait d'aller jusqu'à 75 % est un choix de l'entreprise.



Rubrique Lectures juridiques





✔ Recommandations du Défenseur des droits sur les enquêtes internes en cas de signalement de discrimination :


Lorsqu’un employeur reçoit un signalement en matière de discrimination ou de harcèlement sexuel qui nécessite des investigations complémentaires, il est tenu d’ouvrir une enquête interne et de prendre des mesures conservatoires pour protéger la victime présumée. Or, le Défenseur des droits a constaté une forte disparité des pratiques et de nombreux manquements dans l’organisation et la réalisation des enquêtes internes. Il publie donc une décision-cadre, présentant ses recommandations aux employeurs privés et publics pour les accompagner dans le traitement des signalements de discrimination.


✔ Guide pratique de l’URSSAF pour les CSE :


L'URSSAF a établi son guide pratique du comité social et économique pour l'année 2025. Ce document présente les principes applicables en matière de cotisations de sécurité sociale pour les principales prestations fournies par le CSE. Il rappelle notamment que les CSE ont jusqu’au 31 décembre 2025 pour modifier les critères de versement des prestations en supprimant l'éventuelle condition d’ancienneté limitant l’accès aux prestations du CSE.


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