La révocation du président d’une SAS en violation du pacte d’associés est fautive
Trois associés d’une SAS concluent un pacte prévoyant que la révocation du président nécessite une décision du comité exécutif. L’un d’eux révoque ensuite le président, qui conteste cette mesure.
L’associé fait valoir que seuls les statuts peuvent fixer les modalités de révocation des dirigeants, et non le pacte d’associés. De plus, il estime que le pacte n’était pas opposable à un nouvel associé, qui avait entre temps acquis l’intégralité des participations de l’un des actionnaires initiaux, sans signer le pacte.
La Cour de cassation écarte ces arguments. Le pacte d’associés était applicable, et la révocation du président aurait donc dû faire l’objet d’une décision du comité exécutif. L’associé concerné est ainsi condamné à verser des dommages-intérêts au président évincé.
Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence. En effet, si la Cour de cassation a établi que seuls les statuts d’une SAS peuvent déterminer les modalités de direction de la société, un pacte d’associés peut compléter ces dispositions sans y déroger.
Cass. com., 18-09-2024, n° 22-23.075
Transaction entre salarié et employeur : attention aux termes utilisés !
Deux arrêts récents rappellent l’importance d’être vigilant lors de la rédaction d’une transaction entre salarié et employeur. En effet, les termes utilisés sont déterminants, puisque le juge les vérifie pour déterminer le champ d’application de l’accord.
1/ La clause de renonciation à tout recours dans une transaction exclut la réparation du préjudice d’anxiété
À la suite de la rupture de son contrat de travail, une salariée signe une transaction avec son employeur. Contre le versement d’une somme d’argent, elle se déclare remplie de ses droits et renonçait, de façon irrévocable, à toute instance ou action née ou à naître au titre de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail.
L’établissement dans lequel la salariée avait travaillé est ensuite inscrit sur la liste des établissements ouvrants droit à l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante, pour la période à laquelle elle y a été employée.
La salariée saisit alors le Conseil de prud’hommes en demandant la réparation de son préjudice d’anxiété. Elle souligne qu’au moment de la signature de la transaction, elle ignorait l’existence de ce dommage.
Toutefois, la Cour de cassation relève que dans la transaction, formulée en des termes généraux, la salariée renonçait bien à toute instance ou action née ou à naître au titre de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail. Dès lors, sa demande indemnitaire, présentée après la conclusion de la transaction, est irrecevable.
Cass. soc., 06-11-2024, n° 23-17.699
2/ La portée limitée de la transaction portant exclusivement sur les sommes dues au titre de l’exécution du contrat
Un salarié sollicitait en référé le paiement d’indemnités de repas et de dommages et intérêts. Il conclut ensuite une transaction avec son employeur, qui prévoit une indemnité forfaitaire. En contrepartie, le salarié renonce irrévocablement à tout recours en paiement de rappels de salaires ou indemnités de toutes natures ou remboursement de frais relatifs à l'exécution de son contrat de travail. L’indemnité est versée le 19 avril 2017.
Le salarié saisit à nouveau la juridiction prud’homale : il demande notamment le paiement de salaires échus entre juillet 2014 et avril 2018. La Cour d’appel juge ses demandes irrecevables du fait de la transaction. Mais la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que la renonciation ne concerne que l’objet du différend qui a donné lieu à la transaction.
Or, cette transaction ne contient pas de renonciation en des termes généraux, qui permettrait d’écarter toute réclamation à quelque titre que ce soit. Elle porte exclusivement sur le paiement des sommes liées à l’exécution du contrat de travail.
De ce fait, la Cour d’appel aurait dû vérifier si les demandes du salarié portaient sur des faits survenus pendant la période d'exécution du contrat de travail postérieure à la transaction. Ce qui était bien le cas : le salarié sollicitait des rappels de salaire de 2017 et 2018, soit une période ultérieure à la transaction. Sa demande pour cette partie des salaires ne pouvait donc pas être déclarée irrecevable.
Cass. soc., 16-10-2024 n° 23-17.377
À retenir :
1/ Une transaction formulée en des termes généraux, par laquelle le salarié renonce à toute instance ou action née ou à naître au titre de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail, rend irrecevable une demande d’indemnisation du préjudice d’anxiété né après la transaction.
2/ Une transaction portant exclusivement sur les sommes dues au titre de l’exécution du contrat n’empêche pas le salarié de réclamer les salaires dus pendant la période ultérieure à la transaction.
Billet à ordre : la signature du dirigeant sur le cachet de la société dans la partie réservée à l’aval ne suffit pas
Une société souscrit un billet à ordre, et son gérant appose sa signature sur le cachet de la société. Toutefois, il appose une seconde signature, toujours sur le cachet, mais dans la partie réservée à l’aval.
Or, l'aval est une garantie personnelle par laquelle l’avaliste garantit le paiement d'un effet de commerce (comme un billet à ordre ou une lettre de change) en cas de défaillance du débiteur principal. La banque assigne donc le gérant en tant que donneur d’aval.
La Cour de cassation rappelle que l'aval résulte de la seule signature de l’avaliste apposée au recto du billet à ordre, sauf quand il s'agit de la signature du souscripteur de ce billet. Nous sommes bien dans ce cas ici, puisque le gérant a d’abord signé au nom du souscripteur. Il fallait donc rechercher l’intention manifeste du dirigeant de s’engager également en tant qu’avaliste. C’est la présence du cachet d’entreprise qui s’avère déterminante : elle démontre que le signataire n’avait pas voulu s’engager à titre personnel en qualité de donneur d’aval.
Cass. com., 23 octobre 2024, n° 22-22.215
Publication de l’hypothèque et de la cession d’un immeuble le même jour : quel droit a la priorité ?
Le 28 février 2013, une banque créancière a inscrit une hypothèque sur un bien appartenant à ses débiteurs, en exécution d'un jugement du 20 décembre 2012. Or, ce bien avait été vendu par acte authentique le 12 février 2013. La publication de cette cession est également faite le 28 février 2013.
Les acquéreurs ont alors engagé une procédure contre la banque, afin d'obtenir la mainlevée de l’hypothèque. Ils soutenaient que celle-ci ne leur était pas opposable, puisque le bien avait été transféré dans leur patrimoine avant son inscription.
Ainsi, si l’hypothèque et la cession sont publiées le même jour, quel droit a la priorité ?
La Cour d'appel a ordonné la mainlevée, considérant que le jugement fondant l'hypothèque n'était devenu opposable aux tiers qu'au moment de sa publication.
Ce n’est pas le raisonnement retenu par la Cour de cassation. En effet, l’inscription hypothécaire est fondée sur un jugement antérieur à l’acte de vente. Elle est donc réputée être d’un rang prioritaire, même si la publication a eu lieu simultanément.
Cass. civ 3ᵉ, 07-11-2024, n° 23-12.514
Absence d’une mention légale dans l’offre de reclassement : le licenciement économique est sans cause réelle et sérieuse
Une salariée fait l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique. L’employeur lui présente une offre de reclassement, qu’elle refuse. En revanche, elle accepte le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) proposé, et son contrat de travail est rompu.
Elle conteste ensuite cette rupture devant le Conseil de prud’hommes, car l’offre de reclassement ne précisait ni le nom de l’entreprise d’accueil, ni la nature du contrat, ni la classification du poste.
La Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel : le licenciement est sans cause réelle est sérieuse. En effet, selon l'article L. 1233-4 du Code du travail, les offres de reclassement doivent être écrites et précises. À défaut de l'une des mentions exigées par la loi, l'offre est imprécise, ce qui caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.
L’omission d’une mention obligatoire suffit donc à caractériser un défaut dans l’obligation de reclassement, qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Toutefois, la Cour précise que seules les mentions listées par le Code du travail sont obligatoires.
Cass. soc., 23-10-2024, n° 23-19.629
➥ Le 17 octobre 2024, la CNIL a rappelé à l’ordre le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer et le ministère de la Justice, pour leur mauvaise gestion du fichier de traitement d’antécédents judiciaires. Ce fichier, recensant des informations relatives aux victimes d’infractions et aux personnes mises en cause et prévenues dans le cadre d’enquêtes pénales, contient de nombreuses données personnelles. Or, la CNIL a relevé l’existence de plusieurs manquements dans le traitement de ces informations, notamment la conservation de données inexactes, l’absence d’information des personnes concernées, et l’absence de prise en compte de leurs droits.
➥ Le plafond de la Sécurité sociale est réévalué chaque année au 1ᵉʳ janvier, en fonction de l'évolution des salaires. Pour 2025, le plafond mensuel augmentera de 1,6 %, selon le communiqué paru au Bulletin officiel de la Sécurité sociale du 4 novembre. Un décret confirmant les montants sera publié avant la fin de l'année.
✔ L'AMF a publié ses recommandations concernant l’arrêté des comptes 2024, et les résultats de ses travaux de revue des états financiers menés entre octobre 2023 et septembre 2024. Elle traite notamment du risque de liquidité, du reporting électronique (ESEF) et des méthodes comptables, jugements et estimations significatives.
✔ Le Défenseur des droits a rendu public son premier rapport bisannuel sur l’état de la protection des lanceurs d’alerte. Il présente ainsi ses observations et recommandations concernant le cadre juridique assurant la protection des lanceurs d’alerte.
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