Les conditions de mise à disposition gratuite de l’immeuble d’une SCI à un associé
Par une décision de son gérant, une SCI octroie un prêt d’usage à l’un des associés, portant sur une partie de l’immeuble détenu. Ce type de prêt, également appelé commodat, est conclu à titre gratuit.
L’année suivante, le gérant est révoqué, et la société demande l’annulation de la convention d’usage. La Cour de cassation rappelle que lorsque l’objet social d'une SCI ne prévoit pas la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, un telle mesure ne peut pas être prise par le gérant seul. Elle doit être autorisée par l'assemblée générale, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts.
Ces règles n’ayant pas été respectées ici, la Cour confirme la nullité du prêt d’usage. L’associé doit donc être considéré comme occupant sans droit ni titre du local.
Cass. civ. 3ᵉ, 2 mai 2024, n° 22-24503
La cession d'un contrat effectuée sans l'accord du cédé n’est pas nulle
Cet arrêt du 24 avril 2024 apporte deux clarifications bienvenues sur le régime de la cession de contrat. Les faits sont classiques : un apport partiel d’actifs entre deux sociétés comprend le transfert d’une convention. Celui-ci est constaté dans le traité d’apport et notifié au cédé.
Mais ce dernier conteste la validité de la cession, qu’il n’a pas acceptée par écrit. La Cour d’appel lui donne raison : selon elle, s’il n’est pas démontré que le cédé a consenti par écrit, l’opération est nulle.
La Cour de cassation écarte ce raisonnement et clarifie la distinction à faire entre les deux règles énoncées par l’article 1216 du Code civil :
Alinéa 1 : la cession de contrat doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
Alinéa 3 : le cédé doit donner son accord à l’opération. Ce principe est formulé de façon indépendante, donc le consentement n’a pas à respecter la condition de l’écrit et il n’est pas sanctionné par la nullité.
Par conséquent :
L’accord du cédé peut être donné sans forme, pourvu qu'il soit non équivoque, et peut être prouvé par tout moyen.
Le défaut d'accord du cédé n'emporte pas la nullité de la cession du contrat, mais son inopposabilité au cédé.
Le transfert est donc bien valable entre le cessionnaire et le cédant, mais le cédé pourra continuer à s’adresser à son cocontractant initial, en agissant comme si la cession n’avait pas eu lieu.
Cass. com., 24 avr. 2024, n° 22-15.958
À retenir :
1/ L’existence d’un écrit entre le cédant et le cessionnaire est une condition de validité de la cession de contrat.
2/ L'accord du cédé peut être prouvé par tout moyen.
3/ À défaut d’accord, la cession n'est pas nulle, mais inopposable au cédé.
La sauvegarde de la compétitivité peut constituer un motif économique de licenciement dans une association sans but lucratif
Le licenciement d’un représentant du personnel, salarié protégé, nécessite l’autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsqu’il s’agit d’un licenciement économique, ce dernier doit vérifier s’il est justifié par la situation de l'entreprise, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.
Dans le secteur marchand, la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité peut constituer un motif économique. Le juge contrôle alors strictement l’existence réelle de la menace sur la performance de la société.
Mais qu’en est-il au sein d’un organisme à but non lucratif ? Dans cette affaire, une association avait obtenu l’autorisation de licenciement économique d’un salarié protégé pour préserver sa compétitivité, au motif qu’elle avait perdu un marché important.
Le Conseil d’État confirme que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, y compris lorsqu'il s'agit d'une association à but non lucratif, peut constituer un motif économique, à la condition que la réalité de la menace soit établie.
De plus, il estime que la Cour administrative d’appel a donné une qualification juridique inexacte aux faits examinés, lorsqu'elle a jugé qu'il n'existait pas de menace réelle pesant sur la compétitivité de l'association de nature à justifier la réorganisation litigieuse. L’affaire est donc renvoyée, afin que les juges du fond apprécient si la situation économique de l’association justifie le licenciement.
CE 4ᵉ-1ᵉ ch., 3 avril 2024, n° 471271
Différence de situation entre les télétravailleurs et les salariés sur site
Lors de la crise sanitaire, une entreprise avait mis en place un plan de continuation, incluant un service minimum. Dans ce cadre, certains salariés devaient se rendre sur site. Ces derniers bénéficiaient d’une indemnité de cantine fermée, le restaurant d’entreprise n’ayant pu être maintenu.
Un syndicat a ensuite demandé le versement de ce dédommagement à tous les employés, y compris ceux en télétravail. Celui-ci invoquait l’article L. 1222-9 du Code du travail, qui pose le principe de l’égalité de droits entre les télétravailleurs et les autres salariés. En outre, il estimait que la prise de repas à domicile impliquant une dépense supplémentaire pour les télétravailleurs. Or, l’article L. 4122-2 du Code du travail indique que les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les employés.
La Cour de cassation rejette ces arguments. Elle considère que les collaborateurs en télétravail n’ayant pas vocation à fréquenter le restaurant d’entreprise, sa fermeture administrative ne causait pas de charge financière supplémentaire pour eux. De plus, l’indemnité de cantine fermée ayant pour objet de compenser la perte du service offert aux salariés présents sur le site, les télétravailleurs ne se trouvaient pas dans la même situation que ceux qui ont été privés de ce service.
Cass. soc., 24 avr. 2024, n° 22-18.031
Saisine du juge administratif : le cachet de la poste fait maintenant foi
Jusqu’à présent, un recours contentieux transmis par voie postale devait être parvenu à la juridiction administrative avant la fin du délai d’action. Il fallait donc anticiper son envoi pour s’assurer que le greffe le réceptionne à temps.
Mais le Conseil d’État vient d’opérer un revirement de jurisprudence : désormais, il suffira que le recours ait été posté avant l’expiration du délai. La date d’envoi sera alors attestée par le cachet de la poste.
Cette évolution permet d’harmoniser les modalités d’application des délais d’action, quel que soit le moyen utilisé par le justiciable. En effet, le système de saisine par voie électronique permettait déjà de déposer un recours contentieux jusqu’au dernier jour du délai.
CE, 13 mai 2024, n° 466541
L’encadrement des pénalités logistiques entre fournisseurs et distributeurs est constitutionnel
Introduit par la loi Egalim II, l’article L. 441-17 du Code de commerce définit les règles applicables aux pénalités logistiques dans les contrats de distribution. Il indique notamment que lorsqu’une convention impose des pénalités au fournisseur en cas d'inexécution d'engagements contractuels, elle doit stipuler une marge d'erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi d’une QPC sur cette disposition, à l’initiative du Groupement d’Achats E. Leclerc (GALEC). Celui-ci lui reprochait de ne pas définir précisément la marge d’erreur suffisante à mettre en œuvre.
Le Conseil a confirmé la conformité de cette condition à la Constitution. En effet, l’article L. 441-17 du Code de commerce indique que le caractère suffisant de la marge d’erreur doit s’apprécier au cas par cas au regard du volume de livraisons prévues par le contrat. Ces dispositions ne présentent donc pas de caractère imprécis ou équivoque.
Décision n° 2024-1087 QPC du 30 avril 2024
Suppression au 1ᵉʳ mai 2024 de l’aide exceptionnelle aux contrats de professionnalisation
Depuis 2020, une aide financière avait été mise en place afin d’inciter les entreprises à embaucher des jeunes en contrats d’apprentissage ou de professionnalisation. Celle-ci avait en principe été reconduite jusqu’au 31 décembre 2024.
Toutefois, le décret du 27 avril 2024 supprime cette aide financière pour les contrats de professionnalisation conclus après le 30 avril 2024. En revanche, l'aide exceptionnelle à l'embauche d'apprentis est maintenue.
➥ L’utilisation du Compte Personnel de Formation (CPF) est désormais soumise au paiement d’un reste à charge de 100 €, quel que soit le prix de la formation. Cette mesure est entrée en vigueur le 2 mai 2024, conformément au décret d'application du 29 avril 2024.
➥ L’arrêté du 16 avril 2024 dit « anti-shrinkflation » a été publié au Journal officiel le 4 mai dernier, et il entrera en vigueur le 1ᵉʳ juillet 2024. Ce texte prévoit une obligation d’affichage pour les distributeurs de produits de grande consommation, afin que les clients soient dûment informés en cas de shrinkflation (stratégie commerciale selon laquelle le prix du produit augmente ou reste identique tandis que la quantité vendue baisse). Cette pratique est donc légale, mais doit apparaître de façon transparente pour les consommateurs.
➥ La loi du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires cible notamment les risques signalés dans les secteurs de la santé. En particulier, le texte crée un délit de provocation à l’abandon de soins et un délit de provocation à l’adoption de pratiques risquées pour la santé.
✔ L’ANSSI a publié ses recommandations de sécurité pour un système d’IA générative. L’objectif est de sensibiliser sur les risques de ce type d’IA plébiscité par le grand public, et de promouvoir les bonnes pratiques à mettre en œuvre depuis la phase de conception et d’entraînement d’un modèle d’IA jusqu’à la phase de déploiement et d’utilisation en production.
✔ Le Haut Comité de gouvernement d’entreprise (HCGE) a mis à jour le Guide d’application du Code Afep-Medef, principalement afin d’y intégrer les enjeux de responsabilité sociale et environnementale.
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