Vente du seul actif d’une SCI : les dividendes reviennent-ils à l’usufruitier des parts sociales ?
Une assemblée générale extraordinaire décide à l’unanimité de vendre le seul bien détenu par une SCI. Le prix de vente est distribué par dividendes. Un associé détenant des parts en nue-propriété demande notamment l'annulation de cette assemblée.
En principe, les dividendes constituent des fruits et reviennent donc à l’usufruitier. Mais selon le nu-propriétaire, ces dividendes sont particuliers et auraient dû lui être attribués. Il considère que le résultat exceptionnel résultant de la vente de l'actif unique de la SCI n'est pas un bénéfice lié à l'activité courante de la société. De ce fait, il n'a pas vocation à être distribué aux usufruitiers.
La Cour de cassation lui donne raison. Sauf convention contraire entre le nu-propriétaire et l'usufruitier de parts sociales, la distribution sous la forme de dividendes du produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d'une SCI revient au nu-propriétaire. En effet, cette distribution affecte la substance des parts sociales, car elle compromet la poursuite de l'objet social et l'accomplissement du but poursuivi par les associés.
Il y a donc deux sortes de dividende : celui tiré des bénéfices courants, revenant à l’usufruitier, et un dividende exceptionnel touchant à la substance de la société, attribué au nu-propriétaire.
Dans le second cas, l’usufruitier bénéficie d'un quasi-usufruit sur le dividende. Cela signifie que la somme sera créditée sur son compte, mais il ne pourra pas en disposer librement. Il sera débiteur d’une dette de restitution au terme de l’usufruit.
Cass. civ,, 19-09-2024, n° 22-18.687
Escroquerie bancaire par spoofing téléphonique : la banque condamnée à rembourser le client
Le client d’une banque a été contacté par une personne se faisant passer pour son conseiller bancaire. L’escroc l’a ainsi convaincu de fournir ses codes confidentiels, et des virements frauduleux ont été effectués depuis son compte dans les jours suivants. La victime a alors demandé le remboursement à sa banque, qui a refusé.
Il s’agit d’un exemple classique de spoofing téléphonique : une usurpation de l’identité d’un employé de banque, afin de soustraire des informations sensibles au client et de détourner des fonds.
L’établissement estime que le client a commis une négligence grave, en validant une opération à distance et sans la vérifier. Un utilisateur normalement attentif aurait dû douter de l’identité de son interlocuteur.
Comme la Cour d’appel, la Cour de cassation juge que la banque est tenue de rembourser les sommes prélevées. Elle rappelle tout d’abord que c’est à l’établissement de prouver la négligence grave du client. Or, au regard des circonstances de l’escroquerie, il ne peut pas être reproché au client d’avoir commis une telle négligence. En effet, le mode opératoire utilisé par l'escroc avait mis la victime en confiance, notamment en affichant le numéro officiel de la banque.
Cet arrêt vient renforcer la protection des victimes de fraude bancaire. De leur côté, les banques devront redoubler de vigilance et poursuivre leurs démarches de détection des fraudes et de sensibilisation des clients.
Cass. com., 23-10-2024, n° 23-16.267
À retenir :
1/ En cas de fraude bancaire, c’est à la banque de prouver la négligence grave du client si elle veut s’exonérer de son obligation de remboursement.
2/ Une victime de spoofing n'est pas forcément négligente : les méthodes élaborées utilisées pour usurper l'identité d'un conseiller peuvent légitimement tromper un client prudent.
Congé sabbatique : même si la demande est hors délai, le silence de l’employeur vaut acceptation
Une salariée présente sa demande de congé sabbatique par des courriers datés du 22 avril 2016, notifiés à son employeur les 27 et 28 avril. Elle souhaite que la date de départ en congé soit fixée au 1ᵉʳ mai 2016. L’employeur ne répond pas à cette demande. Le 9 juillet 2016, il enjoint à l’employée de justifier son absence depuis le 1ᵉʳ mai, puis il la met en demeure de reprendre le travail.
Finalement, la salariée est licenciée pour faute grave. Elle conteste cette sanction, estimant que l’employeur aurait dû répondre à sa demande dans le délai légal de 30 jours. Selon elle, son silence vaut acceptation.
De son côté, l’employeur met en avant le non-respect par l’employée du délai de prévenance de 3 mois avant la date de départ prévue. Dès lors, sa demande n’était pas valable et la salariée ne peut pas considérer que l’accord de l’employeur est réputé acquis, surtout en sachant qu’il lui a adressé des courriers et mises en demeure.
La Cour de cassation tranche en faveur de la salariée. En effet, selon le Code du travail, l'employeur doit informer le salarié soit de son accord sur la date de départ, soit du report ou de son refus. À défaut de réponse de sa part dans un délai de 30 jours, son accord est réputé acquis.
De ce fait, le non-respect du délai de 3 mois peut conduire l'employeur à différer la date de départ du salarié, mais il ne le dispense pas de lui répondre dans les conditions légales.
Cass. soc., 02-10-2024, 23-20.560
Le sous-acquéreur peut agir contre le vendeur initial malgré sa connaissance du vice du bien
Une société acquiert un véhicule, puis le transmet à une autre société dans le cadre d’un contrat de crédit-bail avec option d’achat. À la suite d’une panne du véhicule, le preneur demande une expertise judiciaire. Le rapport conclut que la panne est due à un défaut de conception d’une pièce d’origine. Après avoir consulté ce rapport, le preneur lève tout de même l’option d’achat du véhicule.
Il assigne ensuite le constructeur et la société ayant initialement vendu la voiture au crédit-bailleur en garantie des vices cachés. La Cour d’appel rejette cette demande, puisque le preneur avait connaissance du vice avant de lever son option d’achat.
Toutefois, la Cour de cassation casse cet arrêt. Elle rappelle que la garantie des vices cachés accompagne la chose vendue en tant qu'accessoire. De ce fait, lorsque l'action en garantie des vices cachés est exercée à l'encontre du vendeur originaire en raison d'un vice antérieur à la première vente, la connaissance de ce vice s'apprécie à la date de cette vente. C’est donc le premier acquéreur qui importe. Ainsi, la connaissance du vice par le sous-acquéreur lors de sa propre acquisition est indifférente pour apprécier le bien-fondé de son action contre le vendeur originaire.
Cass. com., 16-10-2024, n° 23-13.318
Obligation d'information entre professionnels : contrat hors établissement ou contrat à distance ?
Le professionnel doit fournir au consommateur un certain nombre d’informations avant la conclusion d’un contrat à distance ou hors établissement. Cette obligation est étendue aux contrats hors établissement entre professionnels, à deux conditions :
L’objet du contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale de l’acquéreur.
L’acheteur n’emploie pas plus de cinq salariés.
Dans cette affaire, une société éditrice de logiciels dédiés aux métiers de la construction et de l'industrie réalise une vente auprès de la société Ateliers de Saint Louis. Le contrat, conclu « par voie dématérialisée à distance hors établissement », est déclaré nul pour violation de l’obligation précontractuelle d’information du vendeur. Le juge relève en effet que le contrat avait été conclu hors établissement.
Toutefois, la Cour de cassation rappelle qu’il était nécessaire de vérifier qu’il s’agissait bien d’un contrat hors établissement, puis de s’assurer du respect des deux critères conditionnant l’application de l’obligation d’information ente professionnels.
Pour mémoire :
Un contrat à distance est conclu sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance.
Un contrat hors établissement suppose que les parties aient été physiquement et simultanément présentes, soit au moment de la sollicitation, soit au moment de la conclusion du contrat, dans un lieu qui n’est pas celui où le vendeur exerce son activité en permanence ou de manière habituelle.
Cass. com., 04-09-2024, n° 23-16.886
➥ Un décret publié au Journal officiel le 30 octobre 2024 prolonge à nouveau le régime actuel de l’assurance chômage. Il restera en vigueur jusqu’au 31 décembre, au lieu du 31 octobre 2024.
➥ Dans un communiqué de presse du 15 octobre 2024, le ministère chargé du Budget et des comptes publics a apporté deux précisions sur l’avancée de la généralisation de la facturation électronique :
Le calendrier de mise en œuvre de la réforme est confirmé, avec ses deux dates butoirs : le 1ᵉʳ septembre 2026 avec l’obligation pour toutes les entreprises de pouvoir réceptionner des factures dématérialisées et pour les GE et ETI l’obligation d’émettre des factures dématérialisées, et le 1ᵉʳ septembre 2027 avec l’obligation pour les petites et moyennes entreprises et les microentreprises d’émettre des factures dématérialisées.
Le portail public de facturation ne sera finalement pas utilisable en tant que plateforme de facturation. Il faudra donc recourir aux plateformes de dématérialisation partenaires privées pour émettre et recevoir des factures électroniques.
➥ Le premier décret d’application de la loi « Attractivité » a été publié. Ce texte du 8 octobre 2024 explicite la mise en œuvre des mesures de modernisation des réunions des assemblées et des organes de décision de certaines formes de sociétés commerciales. Il prévoit notamment :
les mentions devant figurer sur les formulaires de vote par correspondance des associés de SARL, des administrateurs ou membres de conseil de surveillance de SA ou de SCA (si les statuts prévoient cette possibilité) ;
pour les sociétés cotées, les conditions dans lesquelles sont réputés présents, les membres des organes de décision qui participent à leurs réunions par un moyen de télécommunication ;
les modalités de retransmission, d’enregistrement et de consultation des assemblées de sociétés cotées.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 11 octobre 2024.
✔ Afin de lutter contre les retards de paiement, la DGCCRF effectue des contrôles, de plus en plus nombreux, sur les délais de paiement entre entreprises. Le 25 octobre 2024, elle a publié une FAQ détaillant les modalités de ces vérifications.
✔ Une ordonnance du 15 octobre 2024 a transposé la directive dite « Women on Boards », destinée à assurer un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs de sociétés cotées. Elle s’appuie sur le dispositif de la loi « Copé-Zimmermann » et en étend la portée. Notamment, les administrateurs représentants des salariés sont désormais inclus dans l’assiette de calcul de la règle d'équilibre. De plus, les sociétés cotées sont tenues à des obligations de transparence quant au respect de ces dispositions. Le texte prévoit une application progressive des nouveautés, afin que les sociétés puissent s’y adapter.
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