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Actualités juridiques du 16 avril 2024



Rubrique Le Focus en droit des sociétés



Changement de mode de direction d’une SA : la suppression du mandat de DG n’est pas une révocation


Dans cette affaire, la direction d’une SA était initialement composée d’un directeur général et d’un président. Toutefois, les administrateurs votent à l’unanimité la réunion de ces fonctions entre les mains du président du conseil d’administration, entraînant ainsi la fin du mandat social du DG. Celui-ci réclame alors une indemnité pour révocation sans juste motif.


La Cour de cassation juge que la décision du conseil d'administration de confier à son président la direction générale de la société, qui a pour effet de mettre fin aux fonctions jusqu'alors exercées par le directeur général, ne constitue pas une révocation de ce dernier. Une exception à ce principe s’applique si le DG démontre que cette décision a été prise dans le but de l'évincer de son mandat social.


Or, ici, le directeur général n'a pas été révoqué de son mandat pour être remplacé par un nouveau DG. Simplement, son mandat n'existait que du fait du mode de gouvernance voté précédemment par les administrateurs, et il a été supprimé. De ce fait, le demandeur ne démontre pas que cette suppression procède d'une volonté de l'évincer et s'analyserait ainsi en une révocation déguisée.


Cass. com. 4 avril 2024 n° 22-19.991


À retenir : 

La décision des administrateurs d’une SA de passer d’une séparation des fonctions de directeur général et de président du conseil d’administration à un regroupement des deux ne constitue pas une révocation du DG. Celui-ci ne peut donc pas bénéficier d’une indemnité pour révocation sans juste motif. 

⚠️ Exception : si la décision a été prise dans le but d’évincer le DG, il s’agit d’une révocation déguisée. Il revient au DG d’en apporter la preuve.


Les deux modes de direction d'une société anonyme : le système moniste et le système dualiste


Rubrique Droit social



Aucune condition d'ancienneté ne peut être exigée pour bénéficier des activités offertes par le CSE


La pratique est assez répandue chez les CSE : prévoir dans le règlement intérieur un délai d’ancienneté minimum pour accéder aux activités sociales et culturelles (ASC) proposées par le comité. C’était le cas en l’espèce, le CSE exigeant une présence de six mois dans l’entreprise.


La Cour d’appel valide la clause, estimant qu’il s’agit d’un critère objectif ne prenant pas en compte les qualités propres du salarié et qu'elle servait l'intérêt des collaborateurs en évitant un effet d'aubaine.


Mais la Cour de cassation censure ce raisonnement : les dispositions légales ne permettent pas de conditionner l'accès aux ASC à une quelconque ancienneté. Elle s’appuie sur les articles L 2312-78 et R 2312-35 du Code du travail, qui prévoient que le CSE doit gérer les ASC au bénéfice de tous les salariés et les stagiaires.


Dorénavant, les activités offertes par les CSE doivent être accessibles à tous, indépendamment de la durée d'emploi au sein de l'entreprise. Il est donc conseillé aux CSE de modifier leur règlement intérieur si besoin, pour éviter tout risque de contentieux.


Cass. soc. 3 avril 2024 n° 22-16812



Rubrique Droit fiscal



Nouvelles précisions sur les contours de l’erreur comptable délibérée


Au cours d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a constaté qu’une société avait comptabilisé au passif de son bilan une dette vis-à-vis de l’un de ses associés, alors que celui-ci ne lui avait pas avancé cette somme. Elle a réintégré ce passif injustifié dans le bénéfice imposable, et a assorti ce redressement des pénalités de 40 % pour manquement délibéré.


La société a avancé que ce prêt avait été consenti par un autre associé, dont les fonds provenaient d’un compte bancaire suisse non déclaré. Elle soutenait ainsi que l’avance constituait un passif justifié, dont seule la désignation comptable du titulaire était erronée.


Le Conseil d’État confirme la position de la Cour administrative d’appel de Paris : même si le prêt en cause a en réalité été consenti par un autre associé, la société a délibérément omis de faire figurer la dette correspondante au passif de son bilan, donc elle ne peut pas solliciter la correction de cette omission.


Il valide également l’application des pénalités pour manquement délibéré, car le gérant de la société ne pouvait ignorer la provenance réelle de la somme. En outre, le maintien au passif du bilan pendant plusieurs exercices successifs d’une dette non justifiée d’un montant important ne pouvait être regardé comme une simple erreur commise de bonne foi.


Cette décision apporte ainsi de nouvelles précisions importantes. En effet, le Conseil d’État avait précédemment jugé qu'une erreur comptable, qu’elle soit délibérée ou non, ne peut fonder un redressement fiscal lorsqu’elle n'entraîne pas de variation de l'actif net de la société (CE, 25 mars 2013 n° 355035 concernant la dette d’une société transférée par erreur d’un compte de passif à un autre compte de passif).


CE 22 mars 2024 n° 471089



Rubrique Bon à savoir



Atteinte au secret des affaires : compétence restreinte du juge de la levée du séquestre


Dans cette affaire, une entreprise avait obtenu la saisie de documents chez un ancien salarié. Les pièces avaient ensuite été placées sous séquestre pour protéger le secret des affaires, sur le fondement de l’article R 153-1 du Code de commerce. Le demandeur obtient la mainlevée de ce séquestre et le salarié conteste cette décision, estimant que le juge aurait dû vérifier la régularité de la saisie des pièces au regard de la mission impartie à l’expert.


La Cour de cassation rejette le pourvoi. En effet, l’article R 153-1 du Code de commerce permet uniquement au juge, à l'occasion de l'exécution d'une mesure d'instruction, de prononcer une mesure de séquestre provisoire afin d’éviter que la communication ou la production d'une pièce ne porte atteinte au secret des affaires. Il n’a ni pour objet ni pour effet d’attribuer le contentieux de l’exécution de la mesure au juge qui statue sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre. Celui-ci n’est donc pas compétent pour se prononcer sur la régularité de la saisie.


Cass com. 20 mars 2024 n° 22-22.398


Responsabilité extracontractuelle : la réparation intégrale est due sans tenir compte de son coût pour l’auteur du dommage


Le propriétaire d’une maison est condamné à la mettre en conformité avec son permis de construire, sur demande de son voisin. Il doit donc réduire la hauteur de sa construction de 70 centimètres. Toutefois, le propriétaire estime que la sanction est disproportionnée au vu du coût des travaux nécessaires. Il soutient que seuls des dommages-intérêts devraient être appliqués.


La Cour de cassation rappelle qu’en vertu de l’article 1240 du Code civil et du principe de réparation intégrale, la victime doit être indemnisée sans perte ni profit. De ce fait, en matière extracontractuelle, le juge ne peut apprécier la réparation due à la victime au regard du caractère disproportionné de son coût pour le responsable du dommage.


Nous pouvons souligner qu’en matière contractuelle, l’article 1221 du Code civil prévoit que l’exécution forcée ne peut pas être ordonnée lorsque son coût est manifestement disproportionné à l’intérêt qu’elle procurerait au créancier.


Cass. civ. 3e 4 avril 2024 n° 22-21.132



Rubrique Flash infos




➥ Le Parlement a définitivement adopté le projet de loi DDADUE, les 9 et 10 avril 2024. L’amendement relatif à l’acquisition de congés payés durant un arrêt-maladie avait préalablement été légèrement modifié par la commission mixte paritaire. Notamment, l’obligation d'informer le salarié sur ses droits à congé doit être remplie dans le mois suivant sa reprise du travail (et non plus dans les dix jours). Cette information peut être assurée via le bulletin de paie.

Retrouvez une présentation de l'ensemble des mesures dans notre précédente newsletter !


➥ Contrairement aux années précédentes, les barèmes kilométriques, qui permettent d’évaluer forfaitairement les frais de véhicule exposés à des fins professionnelles, ne sont pas réévalués en 2024. Ils restent donc identiques à ceux en vigueur l’an dernier.



Rubrique Lectures juridiques




✔ Afin de prendre en compte deux orientations de l’Autorité bancaire européenne (EBA), l’AMF a publié le 12 mars 2024 :

  • une version mise à jour de sa position DOC-2019-14 sur les facteurs de risque ;

  • une nouvelle position DOC-2024-02 sur la fourniture d’un accès à des services financiers.


✔ À l’issue d’une consultation publique, la CNIL a diffusé ses premières recommandations sur le développement des systèmes d’intelligence artificielle. Ces sept fiches visent à aider les professionnels à concilier le développement de systèmes d’IA avec les enjeux de protection de la vie privée.


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