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Actualités juridiques du 16 juillet 2024



Rubrique Droit des sociétés




L’action ut singuli n’est pas ouverte dans une association


L’action dite ut singuli permet à un associé d’intenter, au nom de la société, une action en responsabilité des dirigeants (article 1843-5 du Code civil). Dans cette affaire, un membre d’une association avait tenté d’agir en responsabilité au nom de l’association contre son président.


La Cour d’appel avait déclaré l’action irrecevable pour défaut d’intérêt à agir. Elle a considéré qu’en raison de son caractère dérogatoire, le champ d’application de l’action ut singuli instituée pour les associés doit être déterminé strictement et ne peut pas être étendu aux membres d’une association.


La Cour de cassation lui donne raison. Elle rappelle que la possibilité d’exercer l’action sociale ut singuli à l’encontre d’un dirigeant est réservée par le législateur aux seuls membres de sociétés et constitue une dérogation à la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur.


S’agissant des associations, les statuts déterminent librement les organes habilités à agir dans leur intérêt. Par conséquent, en l’absence d’une clause statutaire en ce sens, aucun texte n’autorise leurs membres à agir au nom de l’entité.


Cass. 3e civ., 20 juin 2024, n° 23-10571



Rubrique Focus Droit des contrats




Les clauses limitatives de responsabilité sont opposables aux tiers


La Cour de cassation apporte une évolution majeure à sa position sur le sujet de la responsabilité des cocontractants face aux tiers. Les faits sont classiques : une partie à un contrat comment un manquement qui cause préjudice à une personne extérieure, et celle-ci entend donc engager sa responsabilité extracontractuelle.


Deux questions se posent alors :


1/ Le tiers doit-il démontrer une faute délictuelle détachable du manquement contractuel ?


Ce point avait déjà été tranché par l’Assemblée plénière dans l’arrêt « Boot shop ». Elle énonçait que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.


Cette position avait été plusieurs fois réaffirmée, mais elle restait contestée. En effet, le tiers au contrat était mieux traité que le cocontractant, puisqu’il pouvait invoquer directement un manquement contractuel, mais sans se voir opposer les clauses limitatives de responsabilité.


2/ Le tiers peut-il se voir opposer les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité contenues dans le contrat ?


La Cour de cassation pose un nouveau principe, en répondant directement à la problématique soulevée précédemment :


« Pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s’est engagé en considération de l’économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants. »


Cass. com. 3 juill. 2024, n° 21-14.947


À retenir : 

1/ Le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle distincte de ce manquement.

2/ Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité lui sont alors opposables.


Les conséquences de l'arrêt du 3 juillet 2024 de la Cour de cassation sur l'opposabilité des clauses limitatives de responsabilité aux tiers

Rubrique Droit social





Recevabilité d’un enregistrement clandestin pour prouver un accident du travail


La Cour de cassation a récemment opéré un revirement de jurisprudence, jugeant que la preuve déloyale est désormais admissible devant le juge civil, sous certaines conditions. Nous vous présentions cette décision dans l'édition du 1ᵉʳ février 2024 de notre newsletter.


La Cour poursuit l’application de cette nouvelle règle, ici en matière de contentieux des accidents du travail. Un salarié avait déclaré avoir été victime de violences verbales et physiques de la part de son employeur. La caisse primaire d'assurance-maladie l’avait pris en charge au titre de la législation professionnelle. L’employeur a demandé l’inopposabilité de cette décision, car l’enregistrement produit par le salarié avait été réalisé à son insu. En parallèle, le salarié a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.


La Cour de cassation rappelle la méthode à appliquer pour déterminer si une preuve déloyale est redevable : celle-ci doit être indispensable et l’atteinte aux droits provoquée doit être proportionnée au but poursuivi.


Ici, la Cour d’appel avait bien vérifié si l’utilisation de l’enregistrement de propos à l’insu de leur auteur portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du dirigeant et le droit à la preuve de la victime. Elle en avait déduit que :

  • La production de cette preuve était indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître le caractère professionnel de l'accident et la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celui-ci.

  • L'atteinte portée à la vie privée du dirigeant était strictement proportionnée au but poursuivi d'établir la réalité des violences subies par la victime et contestées par l'employeur.


Cass. 2ᵉ civ., 6 juin 2024, n° 22-11.736



Rubrique Bon à savoir




Obstruction à une enquête de concurrence par suppression de messages WhatsApp : attention aux actions de vos salariés !


Lors d’une inspection, la Commission européenne avait demandé à examiner les téléphones portables de plusieurs employés. Or, un salarié occupant une position hiérarchique élevée avait supprimé des messages échangés avec un concurrent, contenant des informations commerciales.


Cette suppression avait été réalisée délibérément, le salarié en question étant informé de l’inspection. De plus, il n’en avait pas averti les enquêteurs, qui s’en étaient aperçus par eux-mêmes lors de l’examen du téléphone.


La Commission a d’abord fixé une amende globale correspondant à 0,3 % du CA de l’entreprise. Toutefois, elle a réduit sa sanction de moitié, afin de récompenser la société perquisitionnée pour sa coopération pro-active pendant et après l’inspection. En effet, celle-ci avait reconnu les faits immédiatement après en avoir été avertie par la Commission et avait aidé à la récupération des données supprimées. L’amende s’élève finalement à 16 millions d’euros.


Distinction entre bail commercial et contrat de prestations de services


Un locataire avait conclu un bail commercial portant sur des bureaux. Il les mettait à la disposition de tiers, accompagnés d’autres prestations comme l'entretien, l'accueil, la sécurité, l'assurance et le wifi. Le propriétaire avait considéré qu’il s’agissait de sous-locations, dont le loyer était supérieur au prix de la location principale. Il avait donc demandé le réajustement du loyer du bail principal, conformément au régime des baux commerciaux.


Mais la Cour de cassation rappelle que la qualification de sous-location est exclue lorsque le locataire met à disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement la mise à disposition des locaux et des prestations de services spécifiques.


Ainsi, le contrat de bail doit être distingué d’un contrat de mise à disposition d’un local qui s’inscrit dans le cadre de diverses prestations de services.


Cass.3ᵉ civ., 27 juin 2024, n° 22-22.823


Le bailleur qui demande une indemnisation pour les réparations locatives doit démontrer son préjudice


Dans trois arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions d’indemnisation du propriétaire au titre des réparations locatives.


Les juges rappellent tout d’abord que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations commet un manquement contractuel, et doit réparer le préjudice éventuellement subi par le bailleur.


Il revient alors au juge d’évaluer ce préjudice au jour où il statue : il doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles que la relocation, la vente ou la démolition.


Dans ces trois affaires, la Cour de cassation censure les arrêts d’appel, qui avaient accordé l’indemnisation demandée sans avoir vérifié l’existence du préjudice. En effet, les propriétaires avaient pu vendre ou relouer les biens concernés rapidement, sans effectuer de travaux et sans baisse de prix.


Cass. 3ᵉ civ., 27 juin 2024, n° 22-10.298 ; Cass. 3ᵉ civ., 27 juin 2024, n° 22-21.272 ; Cass. 3ᵉ civ., 27 juin 2024, n° 22-24.502



Rubrique Flash infos





➥ Le décret du 7 juillet 2024 rend obligatoire la publication au BODACC de la dissolution donnant lieu à une procédure de TUP, ainsi que la production d’attestations de régularité sociale et fiscale lors de la clôture de la procédure de liquidation amiable. Ces dispositions entreront en vigueur le 1ᵉʳ octobre 2024.


➥ Les décrets d'application de la loi Partage de la valeur du 29 novembre 2023 ont été publiés :

  • Le décret du 29 juin 2024 crée quelques nouvelles obligations pour les employeurs. Ainsi, dans les entreprises disposant d’un plan d’épargne salariale, l'employeur doit désormais remettre une fiche distincte du bulletin de paie à l’occasion de chaque versement de la prime de partage de la valeur.

  • Le décret du 5 juillet 2024 crée notamment trois nouveaux cas de déblocage anticipé des plans d'épargne salariale : rénovation énergétique de la résidence principale, activité de proche aidant et achat d'un véhicule propre.


➥ Un décret du 5 juillet 2024 fixe les modalités de mise en œuvre de la contre-visite médicale organisée par l'employeur pour contrôler le salarié en arrêt-maladie. Le salarié doit désormais communiquer à l'employeur, dès le début de l'arrêt de travail, son lieu de repos s'il est différent de son domicile. De plus, si le salarié bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention « sortie libre », il doit indiquer les horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer.


➥ La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité a été publiée au Journal Officiel de l’Union européenne du 5 juillet 2024. Elle entrera en vigueur le 25 juillet 2024, et devra être transposée par les États membres au plus tard le 26 juillet 2026.



Rubrique Lectures juridiques





✔ La DGCCRF a publié le 2 juillet 2024 une FAQ pour assister les professionnels dans l’application de l'arrêté anti-shrinkflation. Le texte est en effet entré en vigueur le 1ᵉʳ juillet. La FAQ apporte des précisions sur le champ d'application, les modalités d'informations, les cas particuliers, les modalités d'application dans le temps et les sanctions éventuelles applicables.


✔ Vingt-six autorités de protection des données dans le monde, rassemblées au sein du Global Privacy Enforcement Network (GPEN), ont examiné 1 010 sites web et applications mobiles. Cet audit, auquel la CNIL a collaboré, a révélé que ces derniers avaient largement recours à des mécanismes trompeurs (dark pattern), entravant ainsi la capacité des utilisateurs à prendre des décisions éclairées en matière de protection de la vie privée. Consultez leur rapport pour voir ce qu’il ne faut pas faire !


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