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Actualités juridiques du 4 juin 2024

Dernière mise à jour : 17 juin



Rubrique Droit des sociétés




Une SARL est responsable pénalement des faits commis avant une fusion par la société absorbée


Depuis son revirement de jurisprudence du 25 novembre 2020, la Cour de cassation admet le transfert de responsabilité pénale lors d’une fusion-absorption, concernant les SA et les SAS.


Dans ce nouvel arrêt, elle étend cette solution aux SARL. En effet, elle rappelle que l'activité économique exercée par la société absorbée se poursuit dans le cadre de la société absorbante. Cette continuité économique et fonctionnelle de la personne morale conduit à ne pas considérer la société absorbante comme étant distincte de la société absorbée. Cela permet la condamnation pénale de la première pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la seconde avant l'opération de fusion. Pour cette même raison, la société absorbante peut se prévaloir de tout moyen de défense que la société absorbée aurait pu invoquer.


De plus, la Cour considère que ce principe était raisonnablement prévisible depuis l'arrêt précité du 25 novembre 2020. De ce fait, il est applicable aux fusions-absorptions de SARL intervenues postérieurement à cette date.


Cass. crim. 22 mai 2024, n° 23-83.180



Rubrique Focus Droit économique




Franchise : indivisibilité et cession par le franchiseur


Nous retrouvons les réseaux Pizza Sprint et Domino’s, dont le regroupement a été à l’origine de plusieurs contentieux (cf. l’aspect concurrence traité dans un numéro précédent de notre newsletter). La Cour de cassation tranche ici deux questions bien distinctes.


1/ L’indivisibilité des contrats de franchise et de location-gérance


Dans cette affaire, la tête de réseau avait passé avec ses membres un contrat de franchise d’une durée de dix ans et un contrat de location-gérance d’un an. Après la cession de Pizza Sprint, le franchiseur notifie à un franchisé le non-renouvellement du contrat de location-gérance. Celui-ci demande la poursuite de l’exécution du contrat de franchise. Le franchiseur refuse : il estime que les deux contrats sont indivisibles, et donc que le contrat de franchise a également pris fin.


Ce raisonnement est confirmé par la Cour de cassation. Elle juge que le contrat de location-gérance et le contrat de franchise poursuivaient la réalisation d'une même opération économique et que la disparition du premier ne permettait pas la poursuite de l'exécution du second, ce dont le locataire-franchisé avait connaissance. La cessation du contrat de franchise a entraîné de plein droit la caducité de la location-gérance à la même date.


2/ La portée de l’intuitu personæ pesant sur le franchiseur


Le franchisé contestait la cession de la société tête de réseau, estimant que son accord était nécessaire. La Cour confirme que le contrat de franchise est conclu en considération de la personne du franchiseur, ce qui sous-entend l’existence automatique d’un intuitu personæ, indépendamment de toute clause en ce sens.


Toutefois, elle précise que la cession de la totalité des actions de la société tête de réseau et l'évolution de ses dirigeants, qui n'impliquent pas de changement de la personne morale et n'emportent aucune cession du contrat de franchise, ne requièrent pas, sauf clause contraire, l'accord préalable des franchisés.


Cass. com. 15 mai 2024, n° 22-20.747


À retenir : 

1/ Les contrats de franchise et de location-gérance conclus entre franchiseur et franchisé sont indivisibles.

2/ Un changement de contrôle ou des dirigeants de la société franchiseur ne requiert pas l’accord préalable des franchisés, sauf clause contraire.


Les règles applicables à la clause intuitu personae pesant sur le franchisé


Rubrique Droit social




Un salarié exerçant des fonctions RH qui dissimule sa relation avec une représentante syndicale peut être licencié pour faute grave


Un salarié chargé de fonctions de direction dans la gestion RH peut-il être en couple avec une salariée exerçant des mandats syndicaux au sein de l’entreprise, sans en avertir l’employeur ?


La Cour de cassation répond par la négative. Le salarié en question contestait son licenciement, prononcé du fait de cette relation cachée. Dans un premier temps, la Cour rappelle qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.


Or, le salarié licencié avait reçu délégation pour présider les différentes institutions représentatives du personnel. De son côté, la salariée, qui exerçait des mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel, s'était investie dans des mouvements de grève. De plus, elle avait participé à des réunions où le salarié avait représenté la direction et au cours desquelles avaient été abordés des sujets sensibles relatifs à des plans sociaux.


La Cour en déduit que le salarié avait effectivement manqué à son obligation de loyauté en dissimulant sa relation, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice. Dès lors, son maintien dans l'entreprise était impossible, peu important qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi.


Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-16.218



Rubrique Bon à savoir




Promulgation de la loi SREN : vérifiez vos mentions légales


La loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) a été promulguée le 24 mai 2024. Elle transpose deux règlements du « paquet numérique » européen, visant une meilleure circulation des données et une meilleure protection des internautes.


Plusieurs mesures médiatiques ont attiré l’attention, mais une disposition plus discrète pourrait concerner de nombreux sites internet. En effet, l’article 48 de la loi complète la liste des informations devant être communiquées au public par les éditeurs de site. Ceux-ci devaient déjà mentionner l’identité de leur hébergeur, et devront désormais aussi identifier, le cas échéant, « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, le stockage de données traitées directement par elles dans le cadre de l'édition du service ».


Par conséquent, si le fonctionnement de votre site web nécessite le transfert de données vers un autre prestataire que votre hébergeur, vous devez l’ajouter dans vos mentions légales.


La résolution aux torts partagés n’empêche pas les restitutions et les dommages-intérêts


Une société demandait la résolution d’un contrat de prestations informatiques, ainsi que la restitution des sommes versées et le paiement de dommages-intérêts, du fait d’un retard important dans son exécution. Le prestataire sollicitait de son côté la condamnation du client à exécuter le contrat, celui-ci n'ayant pas respecté son engagement de fournir une interface de programmation.


La Cour d’appel prononce la résolution aux torts partagés, et estime que, du fait de ces fautes réciproques, il n’y a pas lieu à restitution ni au paiement de dommages-intérêts. Mais la Cour de cassation rappelle que :

  • Selon l’article 1229 du Code civil, la résolution met fin au contrat et les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre, lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu. Dès lors, l'admission de torts partagés ne fait pas obstacle aux restitutions.

  • Il appartient à la Cour d’appel de rechercher la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résolution du contrat, au vu de la gravité des fautes retenues et l'importance du préjudice subi par chacune. Dès lors, l'admission de torts partagés ne fait pas obstacle aux dommages-intérêts.


Cass. com., 15 mai 2024, n° 23-13.990


L'intérêt légal de retard et les pénalités de retard ne peuvent pas se cumuler


Ayant constaté le non-paiement de ses factures, une société souhaitait obtenir à la fois :

  • des pénalités de retard, prévues par l’article L 441-10 II du Code de commerce ;

  • des intérêts légaux de retard, prévus par les articles 1153 alinéas 1 et 2 et 1231-6 du Code civil.


Malgré leurs conditions d’application différente, la Cour de cassation estime que ces deux sanctions sont de nature identique : il s’agit toujours d’intérêts moratoires. Dès lors, leur cumul est impossible.


Cass. com. 24 avr. 2024, n° 22-24.275



Rubrique Flash infos




➥ Le statut de jeune entreprise innovante (JEI) donne droit à des exonérations sociales et d'impôts locaux. Il était initialement ouvert aux entreprises qui consacrent au moins 15 % de leurs charges à des dépenses de recherche et développement. Mais la loi de finances pour 2024 l’a étendu aux entreprises qui y consacrent seulement 5 % à 15 %, si elles satisfont à des indicateurs de performance économique. Ceux-ci ont été précisés par le décret n° 2024-464 du 24 mai 2024. Il s’agit de deux conditions cumulatives, évaluées à la clôture de l’exercice :

  • une augmentation d’effectif d’au moins 100 % et d’au moins dix salariés en ETP par rapport à l’antépénultième exercice ;

  • un montant des dépenses de recherche qui n’a pas diminué par rapport à l’exercice précédent.


➥ Le règlement européen sur l'identité numérique est entré en vigueur le 20 mai 2024. Son objectif est de proposer une solution sécurisée et uniformisée de portefeuille numérique, pour les particuliers et les entreprises. Elle permettra ainsi à chacun de disposer de pièces d’identité et de documents numériques accessibles partout en Europe. Le règlement sera pleinement mis en œuvre d'ici à 2026.



Rubrique Lectures juridiques




✔ L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié un rapport intitulé « Artificial intelligence, data and competition ». Il s’intéresse aux risques pour le maintien de la concurrence sur le marché de la fourniture d’IA.


✔ L’Autorité de la concurrence a publié un communiqué relatif aux orientations informelles qu’elle pourra donner aux entreprises qui s’interrogent sur la compatibilité de leurs projets poursuivant un objectif de développement durable avec les règles de concurrence.



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